Après onze échecs de Fiv, j’y crois encore…

Silvana, brésilienne, vit en France. Avec Alain, son époux, elle tente depuis plus de dix ans d’avoir un enfant, en recourant à la fécondation in vitro (fiv). Après plusieurs échecs, elle continue sans relâche, afin de satisfaire son désir d’enfant. Sans jamais, à 48 ans, perdre espoir.

« Le premier accident a lieu alors que je vis encore au Brésil. J’ai 26 ans. Je commence à ressentir des douleurs dans le ventre. Un médecin affirme que j’ai une gastrite et me laisse comme ça. Les douleurs empirent. Je me roule par terre, j’ai un ventre énorme. On me transporte d’urgence dans un hôpital, où je reste plusieurs semaines entre la vie et la mort. 

J’ai un abcès à l’ovaire droit. On m’opère, j’ai des tuyaux partout, et un médecin m’annonce que je ne pourrai peut-être plus avoir d’enfant. Quelques années plus tard, à São Paulo, on me fait une hystérographie et on me dit que finalement tout va bien, je peux tomber enceinte.

C’est vrai que j’ai toujours rêvé d’avoir des enfants, mais pour moi il n’y a pas d’urgence.  

Envisager la FIV

Le plus important à mes yeux, c’est de rencontrer l’homme de ma vie. Cet homme, c’est Alain. Quand on se rencontre, aux Etats-Unis, j’ai 36 ans. Je suis partie là-bas après la mort de mon père. Il était policier et il a été assassiné. Justice n’a jamais été faite, et pour moi il est devenu impossible de rester au Brésil. 

Avec Alain, la rencontre est très classique. Un soir, dans une boîte, on se sourit, on bavarde, on échange nos numéros de téléphone… et voilà. On est seuls tous les deux, étrangers, on se rend compte très vite qu’on s’entend merveilleusement bien. J’arrête de prendre la pilule et, au bout de deux ans, rien…

Finalement que la seule possibilité d’avoir des enfants, ce serait de passer par la fécondation in vitro

On consulte dans une clinique spécialisée, on procède à des tas d’examens, et c’est là qu’on comprend le problème. A la suite de mon opération, j’ai tellement d’adhérences dans le ventre que mes trompes se sont rigidifiées, ce qui empêche la rencontre de l’ovocyte et des spermatozoïdes. On tente une deuxième grosse opération, pour enlever toutes les adhérences.

Je passe deux mois à l’hôpital, mais ça ne donne rien. On nous annonce finalement que la seule possibilité d’avoir des enfants, ce serait de passer par la fécondation in vitro (FIV).

Le travail d’Alain nous amène à nous installer en France. Je m’exile une deuxième fois. 

Nos premiers essais 

J’ai alors 38 ans. On fait la première FIV en mai 2006, à Toulouse. Juste après le traitement de stimulation ovarienne, on me prélève trois ovocytes, mais le transfert est un échec. On recommence six mois plus tard : rien. Puis tous les six mois, jusqu’en décembre 2007, soit quatre tentatives, en m’administrant à chaque fois des doses d’hormones de plus en plus fortes, pour augmenter les chances de recueillir des ovocytes. 

Compte tenu de mon âge – j’ai maintenant 39 ans – ­et de la mauvaise qualité de mes ovocytes, les spécialistes ne sont pas optimistes. Ne reste plus que l’option de tenter des FIV avec les ovocytes d’une autre femme et de m’implanter l’embryon. 

En France, cette méthode est pratiquement impossible. Comme on ne dédommage pas les femmes qui fournissent les ovocytes, ce qui est une procédure lourde (traitement hormonal et prélèvement sous anesthésie), il y a une pénurie de cellules reproductrices féminines. 

On s’inscrit à l’association Maia, qui vient en aide aux couples infertiles, et on nous recommande la clinique Eugin, à Barcelone. Ça commence à devenir très lourd.

Je dis à Alain que je lui laisse le champ libre, que je comprendrais qu’il me quitte pour une femme qui serait capable de lui faire des enfants. Il me dit : « On est ensemble et on reste ensemble. Si ça ne marche pas, on vieillira ensemble et ça sera bien. » Ma belle-famille est adorable : « On vous aime, on vous garde. »

Les tentatives à Barcelone ne donnent rien. Début 2009, on m’opère d’un polype à l’utérus, et dès que je suis à peu près remise, on reprend les essais à la clinique Reprofit, à Brno, en République tchèque, où ça coûte beaucoup moins cher qu’en France ­environ 3 000 tout compris, même si on n’est pas remboursé. Et de toute façon, la Sécurité sociale ne rembourse que quatre FIV.

Un premier échec de grossesse

En juillet 2009, je suis seule chez moi quand je commence à ressentir des douleurs atroces et à me vider de mon sang. J’arrive à ramper vers mon téléphone et à appeler les voisins. Nouvelle opération, en urgence. C’est une grossesse extra-utérine. Le gynécologue qui m’opère, en apprenant qu’on a déjà tenté huit FIV, est à la fois compatissant et atterré. Il me dit : « Arrêtez tout ça, arrêtez de vous massacrer« .  

Mais on décide de continuer. Le pire, ça aurait été d’abandonner, de se déclarer vaincus, d’avoir des regrets, de prendre le risque de se dire qu’on n’aura pas tout fait, de vivre en nous reprochant ça. Et puis la grossesse extra-utérine prouve que je peux être enceinte.

Au Brésil, ma famille ne comprend pas. On me répète : « Si tu ne peux pas avoir d’enfant, c’est la volonté de Dieu. » Moi je leur réponds que c’est Dieu qui a créé cette science qui nous permet d’espérer, et que de toute façon, je suis maître de mon destin. On essaie toujours de ne pas dramatiser, de ne pas vivre dans l’obsession.

Ce sont les autres qui nous ramènent à notre problème, qui ne nous voient plus que comme un couple en mal d’enfant

Au début, après les FIV, je reste couchée pour favoriser l’implantation des embryons. Aujourd’hui, je sais que ça ne sert à rien. Entre deux voyages et deux tentatives, j’essaie de vivre le plus normalement possible. Je ne ressens aucune aigreur, aucune jalousie. Quand je vois des femmes avec leur bébé, je suis heureuse pour elles, ça ne me rend pas malade. 

Ce sont les autres qui nous ramènent à notre problème, qui ne nous voient plus que comme un couple en mal d’enfant. Par peur de nous faire de la peine, ceux de notre entourage qui s’apprêtent à avoir un enfant n’osent plus nous donner de nouvelles. Les parents qui ont des grandes filles qui tombent enceintes s’interdisent de nous le dire. Ce sont eux qui s’éloignent de nous.

Le coeur qui s’arrête

Le moment le plus difficile, c’est l’annonce du résultat de la FIV. Deux semaines après l’implantation, on téléphone au laboratoire, on donne notre numéro de dossier, on attend que la secrétaire cherche, et on l’entend annoncer : « C’est négatif. » Pendant un instant, on a le coeur qui s’arrête, le sentiment que le sort s’acharne, et puis on surmonte. 

On n’a pas le choix : soit on se pourrit la vie, soit on essaie de trouver du bonheur quand même. Quand les journaux parlent de bébés congelés ou trouvés dans des poubelles, ça nous paraît d’une absurdité insupportable. 

Tant de bébés dont les gens ne veulent pas, tant de gens qui ne vivent que pour en avoir. On continue d’éprouver du désir l’un pour l’autre. Pour Alain et moi, la sexualité est totalement détachée de la procréation. Nous ne sommes pas comme ces couples qui sont obligés de faire l’amour à heure fixe et de se ruer au laboratoire après chaque rapport sexuel. Au moins, ça nous est épargné. 

On nous demande toujours pourquoi on n’adopte pas. On a essayé il y a trois ans, et comme on avait déjà plus de 40 ans, on ne nous proposait plus que des enfants de 6 ans. C’est aberrant.

Une habitude lourde

Après la grossesse extra-utérine, il faut attendre un an avant que je me remette. On retourne en République tchèque en juillet 2010, et puis à nouveau quelques mois plus tard. Il y a tant de tentatives que ça devient difficile de les compter. Parfois il n’y a pas de donneuse. On se contente de m’implanter des embryons qui ont été congelés lors de fécondations précédentes.

Entre deux essais, il faut que mon corps se désintoxique. Les traitements hormonaux pour préparer mon utérus sont lourds. A chaque fois, je prends beaucoup de poids, je souffre de nausées, de migraines terribles. Je dois me remettre en forme et maigrir à nouveau, avant de faire une nouvelle implantation. Mon corps est devenu un champ de bataille. J’ai de nombreuses cicatrices, et mon ventre fonctionne mal, tout ça par la faute des médecins brésiliens.

A force, les FIV sont devenues une habitude, une forme d’abnégation, de chemin de croix. 

Quand on est en République tchèque, on séjourne dans un hôtel tenu par une dame qui est née dans le camp d’extermination d’Auschwitz. Normalement, on jetait les nouveau-nés dans les fours crématoires, mais les parents de cette femme ont eu la vie sauve parce que le père était un ouvrier très qualifié.

Pour moi, c’est un peu un symbole de la victoire de la vie sur la mort. Je me dis : « Mon Dieu, la mère de cette femme a pu donner la vie dans des conditions indicibles, il n’y a pas de raison que je n’y arrive pas. »

On retourne à nouveau à Brno en juin et en octobre 2011. Toujours rien, toujours cette réponse au téléphone, négative, et ces secondes où tout s’arrête, où on doit faire un effort de plus en plus grand pour continuer à vivre, malgré tout. A force, les FIV sont devenues une habitude, une forme d’abnégation, de chemin de croix. 

Je suis enceinte grâce à la FIV, mais c’est encore un échec 

On me refait des examens. Les médecins me conseillent à nouveau de tout arrêter. Ils sont à la fois affolés et pleins d’admiration devant notre détermination. En février 2012, nouveau voyage à Brno. On nous dit qu’on a une « belle donneuse ». Elle a produit onze ovocytes, dont huit sont encore vivants cinq jours après la fécondation. On m’en implante trois et on congèle les autres. Là, je sens qu’il se passe quelque chose.

De retour en France, je n’arrête pas de vomir. Quand on téléphone au labo, deux semaines plus tard, on entend : « C’est positif. » Alain en a presque une crise cardiaque. 

La première échographie montre que sur les deux embryons implantés, un est en train de mourir. On m’administre des traitements hormonaux très puissants, pour que le premier tienne. Je me sens affreusement mal. Je vomis constamment, j’ai des allergies monstrueuses, je ne supporte plus aucune nourriture. Si cet enfant vient à terme, on reprendra les FIV pour en avoir un deuxième. S’il ne vit pas, on continuera aussi.

Un an plus tard… J’ai perdu mon bébé à cinq mois de grossesse. C’était une fille. On l’a appelée Chloé. Il lui manquait juste deux semaines pour pouvoir survivre. Terrible épreuve… Sentiment d’injustice… Mais la vie continue. Il nous reste deux embryons congelés en République tchèque. Nous allons retourner là-bas. J’ai tout de même porté Chloé pendant cinq mois.

Ça prouve que ça peut marcher.

  • « En congelant mes ovocytes, j’ai pu avoir un enfant après mon cancer »
  • « Je ne pouvais pas avoir d’enfant, et pourtant… »

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