Hugo Marchand, Danseur Étoile de l'Opéra de Paris, se confie

3 mars 2017, Bunka Kaikan de Tokyo. Après Léonore Baulac et Germain Louvet, c’était au tour d’Hugo Marchand d’être sacré Danseur Étoile de l’Opéra de Paris, sous l’ère Aurélie Dupont, directrice de la Danse de l’institution parisienne depuis février 2016. Rencontre avec ce danseur de 25 ans au physique atypique, 1m92, révélé dans "L’Histoire de Manon" et "Roméo et Juliette", que l’on retrouve cette saison sur la scène du Palais Garnier dans le ballet "Blake Works I" de William Forsythe, en collaboration avec Hiroshi Sugimoto.

À 23 ans, Hugo Marchand est nommé étoile à la suite de la représentation de La Sylphide, à Tokyo. Une étoile 2.0 qui, comme ses camarades, fuit l’isolement et la starification ce que statut prestigieux a trop souvent impliqué. Rencontre.

Comment on se sent quand on est nommé au titre d’Étoile ?

Très heureux mais avec un besoin fort de décompresser à l’époque. Après mon retour du Japon, j’avais enchaîné avec Le Songe d’une nuit d’été, présenté à l’Opéra Bastille. Je n’avais donc pas eu vraiment le temps de réaliser et de penser à l’après.

© Hugo Marchand dans La Sylphide, photo par Kiyonori Hasegawa

Qu’avez-vous ressenti sur la scène lorsqu’ Aurélie Dupont a annoncé votre nomination ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Souvent, il y a des échos qui circulent avant une nomination. Dans mon cas, c’était vraiment inattendu. J’étais très surpris et très ému quand j’ai vu Aurélie Dupont monter sur scène. C’est là que j’ai réalisé qu’elle allait annoncer une nomination, la mienne, car je campais le premier rôle ce soir-là. J’étais comme anesthésié. Ce n’est pas une fin en soi d’être nommé Étoile, du tout, mais c’est un objectif que je m’étais fixé enfant. Durant les salutations, c’était comme si j’étais dans un rêve, propulsé dans une autre dimension. Je ne me souviens presque pas de ce moment. C’était vraiment très fort émotionnellement.

© Hugo Marchand lors de sa nomination sur la scène du New National Theatre de Tokyo, photo par Kiyonori Hasegawa

Que signifie pour vous le titre d’Étoile ?

Cela représente beaucoup plus de libertés, et de responsabilités vis-à-vis de la compagnie, de l’Opéra de Paris et de la danse dans le monde. Mais aussi vis-à-vis de la culture française. Quand on est danseur Étoile, on est ambassadeur du style français et de la culture française à l’international. Le titre d’Étoile attire le feu des projecteurs et va donc m’apporter beaucoup plus d’opportunités et me permettre de servir l’Art pour autre chose que de la beauté. J’aimerais vraiment y ajouter une dimension humanitaire, beaucoup plus humaine en somme.

© Instagram @hugomarchand

A quel moment avez-vous voulu devenir danseur ?

Je faisais de la gymnastique vers 7-8 ans. Et à 9 ans, sans raison, je me suis dit : "Je veux faire de la danse". C’était comme une évidence. Selon moi, chaque être sur terre est né avec un talent en soi qui germe ou non. Chez moi, la passion pour la danse a germé en moi très rapidement. Mon père m’a donc inscrit au Conservatoire de Nantes. On m’a vite repéré et j’ai rencontré une très bonne professeure de danse, Marie-Elisabeth Demaille, qui a été d’une grande importance dans ma formation. Après quatre années au Conservatoire, j’ai obtenu la Médaille d’Or qui m’a permis d’intégrer l’école de danse de l’Opéra de Paris. Et à 17 ans, j ‘ai été engagé dans le corps de Ballet de l’Opéra.

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On dit que vous êtes le chef de file de la génération Benjamin Millepied. Qu’avez-vous appris à ses côtés ?

Il m’a beaucoup aidé et a cru en moi très vite. Il m’a donné des opportunités incroyables et une plus grande confiance en moi en me distribuant des rôles qui font grandir artistiquement et techniquement. Des Grieux dans L’Histoire de Manon, Roméo dans Roméo et Juliette, Solor dans La Bayadère… Des grands rôles que l’on donne habituellement à des Danseurs Étoiles plus âgés et plus expérimentés. Benjamin est arrivé avec un style américain unique, il nous a apporté un savoir-faire et une certaine nouveauté, à savoir une musicalité un peu plus précise, un sens du partenariat avec sa danseuse, bref une technique différente.

© Instagram @hugomarchand, photo par Andoin Desforges

Quel rapport entretenez-vous avec Aurélie Dupont, qui a succédé à Benjamin Millepied à la direction de la Danse de l’Opéra de Paris ?

Elle me connaît depuis longtemps, elle m’avait coaché sur des rôles et nous échangeons souvent. J’ai vraiment hâte de construire une relation de confiance avec elle pour pouvoir continuer à servir la Compagnie et l’institution de l’Opéra le mieux possible.

© Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images

Et Nicolas Le Riche, qui est l’exemple type du danseur-acteur. Il incarne véritablement ses rôles et dégage énormément de puissance artistique quand il danse.

© Mathias Heymann/ AFP

Avec quel chorégraphe rêvez-vous de travailler ?

Avec tous ! J’ai eu la chance de travailler avec les plus grands chorégraphes du monde comme William Forsythe sur Blake Works, un moment incroyable à l’Opéra, durant lequel nous dansions sur de la musique électronique démente, ou encore Wayne McGregor et Jiri Kylian. J’ai envie de tous les découvrir et de, pourquoi pas, monter avec eux des créations

© Instagram @hugomarchand

Quel rôle vous a le plus marqué ?

Sans hésiter, Le Chevalier Des Grieux dans L’Histoire de Manon.

© Julien Benhamou/Opéra national de Paris

Quelles ont été les rencontres déterminantes dans votre carrière ?

Celle avec ma professeure Marie-Elisabeth Demaille à Nantes, qui m’a transmis la passion de la danse. Ensuite, Eric Camillo un ancien danseur de l’Opéra qui me suit beaucoup et me soutient à tout égard depuis le début, et qui me soutiendra toujours. Ensuite, Benjamin Millepied qui a toujours cru en moi. J’ai hâte de retravailler avec lui. Et évidemment Aurélie Dupont, qui m’a nommé Danseur Étoile à Tokyo.

© Instagram @hugomarchand

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Quel est votre meilleur souvenir à l’Opéra  de Paris ?

Mon engagement dans la compagnie du corps de Ballet en 2011, j’avais 17 ans. En dernière année de l’école de Danse, je faisais partie des 4 élus qui entraient dans la compagnie. C’est mon plus grand bonheur de réussite.

© Instagram @hugomarchand

Et votre pire souvenir ?

Mon premier rôle, celui du Prince dans Casse-Noisette. J’avais 20 ans, et j’ai eu très peur. Je me suis retrouvé avec un rôle de danseur étoile devant 3 000 personnes à l’Opéra Bastille. Le rideau s’est levé, j’étais tétanisé. Le spectacle s’est très bien passé mais ce que j’ai vécu à l’intérieur de moi s’apparentait à du chaos et de l’angoisse. J’ai eu comme une prise de conscience, ça a été très violent, j’avais hâte que le ballet se termine. Mais lors de mon deuxième ballet, je me suis libéré et j’ai pris énormément de plaisir.

© Sergei Bobylev\TASS via Getty Images

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